Page:Aimard - Par mer et par terre : le corsaire.djvu/69

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encore les Espagnols, et surtout les Andalous, ne portaient, en fait de barbe, que des favoris taillés en forme de côtelettes et arrivant jusqu’aux coins de la bouche.

Le patron avait prévu cette surprise : sa réponse était prête.

— C’est un vœu, dit-il ; ce cavalier, mon ami, est marié depuis un an à peine ; il a fait vœu à N. D. del Pilar de porter sa barbe sans la raser, jusqu’à ce que Notre-Seigneur et son saint patron lui accordent un fils, qu’il désire ardemment avoir.

— Voilà un vœu singulier, dit le barbier en hochant la tête.

— Des goûts et des couleurs on ne peut disputer, dit une pratique ; l’idée est originale.

— Cette barbe ne vous va pas mal, reprit le barbier d’un ton conciliant ; mais au premier moment, elle produit un effet bizarre.

— Je vous en ai fait souvent l’observation, señor don Carlos ; vous n’avez jamais voulu me croire, dit le patron en riant.

— Eh ! compadre, vous connaissez donc beaucoup ce caballero ?

— Baya pues ! il y a beau jour ! je ne vais jamais à Xérès sans lui faire une visite d’amitié ; mais il ne s’agit pas de cela, compadre ; sur ma recommandation, le señor don Carlos del Castillo est venu tout exprès chez vous, compadre ; vous aurez l’insigne honneur de faire tomber sous votre rasoir cette barbe que tant d’autres espéraient raser.

— Il serait possible ! s’écria le barbier en tressaillant de joie ; mais, ajouta-t-il avec inquiétude, le vœu ?