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DONATELLO.

yeux amers. Celui qui représente Saint Jean-Baptiste, et qui, par la pose, est comme une variante, une contre-épreuve retournée (voyez le mouvement des jambes) du Saint Georges, est simplement un jeune homme rêveur, au caractère plutôt placide. Comme il épuisa toutes les formes de la tristesse, Donatello devait un jour se récréer à dépeindre celle qui se cache sous une douce et aimable mélancolie. Pour nous, ce Saint Jean-Baptiste correspond assez bien à cette note de la gamme.

Mais tout de suite, quel soubresaut avec le Jérémie ! Ah ! celui-là incarne bien les plus grandes douleurs philosophiques ; il décèle bien toutes les tortures de la pensée. Son vêtement tumultueux, qu’il a sans doute tenté d’arracher de sa poitrine dans un mouvement de rage désolée ; ses mains qui demeurent crispées, l’une au bout du bras retombé, l’autre tenant fiévreusement un écrit ; ses pieds maigres qui l’ont porté d’une course folle à travers tous les déserts de nature et tous les déserts d’hommes ; enfin, par-dessus tout, cette tête féroce et navrée, avec une lippe retombante devenue énorme à force d’être abaissée dans les contractions du pleurer, et des yeux désespérés qui regardent obliquement l’infini : tout cela, personne en art ne l’avait jamais donné avant, et ne l’a donné depuis, sinon dans des répétitions affaiblies. La plus grande énergie dans la lamentation humaine a été atteinte par Donatello, — car ces hommes tristes ont la fermeté du roc, — et le Jérémie en signale le point culminant. Auprès de cela, Michel-Ange paraîtra