Page:Alexandre Pouchkine - Poèmes dramatiques, Viardot, 1862.djvu/50

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LE PREMIER.

Qu'il est sombre ! (Ils sortent tous deux.) Boris seul.

J'ai conquis le pouvoir suprême, et depuis six années je règne tranquillement. Mais il n'y a pas de bonheur pour mon âme. N'est-ce pas ainsi qu'épris dans notre jeunesse, nous souhaitons ardemment les joies de l'amour ; mais à peine avons-nous rassasié la faim de notre cœur par une possession d'un moment, que nous retombons, refroidis, dans notre ennui et notre langueur. C'est vainement que les devins me promettent de longs jours, des jours d'un pouvoir paisible. Ni le pouvoir ni la vie même ne me réjouissent plus. Je pressens des malheurs ; je vois venir le coup de tonnerre. Mon heureuse chance a tourné. J'avais voulu tranquilliser mon peuple dans l'abondance et dans la gloire, m'attirer son amour par des largesses. Mais j'ai chassé ce vain souci. Le pouvoir vivant est insupportable au peuple ; il ne sait aimer que les morts. Nous sommes des fous si ses applaudissements ou ses hurlements de colère peuvent émouvoir notre cœur.