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LE COLLAGE

dans la pièce voisine à quelque occupation bruyante, fera rouler les fauteuils, trembler le parquet, battre les portes ou se mettra à chanter pendant des heures. On dirait qu’elle tient à ne point se laisser oublier.

J’ai vieilli de dix ans. Je finirai par tomber malade. Suis-je pris d’un besoin de solitude, d’une envie de ne plus sentir cette femme sur mon dos, il me faut motiver mes sorties. Une fois dehors, seul enfin, libre, après quelques bouffées d’air suave, voici que la perspective de rentrer empoisonne mon plaisir. De quel front dur va-t-elle m’accueillir au retour ? Un regard soupçonneux me fouillera des pieds à la tête, m’interrogera tacitement : « Il est peut-être allé voir des femmes ? »

Je lui suis, au contraire, trop fidèle. Si une occasion se présentait, j’aurais joliment tort de me gêner. D’ailleurs, à cause d’elle, je suis devenu peu difficile en femmes. Des laiderons crottés, que, jadis, je n’eusse pas même regardés, me semblent désirables. Tandis qu’à côté de Célina, les sens restent émoussés par l’habitude, l’appétit sexuel n’est plus. Quand je la prends encore dans mes bras, j’ai beau l’étreindre désespérément ; le souvenir de ce qu’elle m’a fait souffrir me paralyse. Une froideur involontaire, sans être de l’impuissance effective, a, d’elle à moi, supprimé le plaisir. Et je m’endors enfin, à l’étroit dans notre lit, mal à l’aise. Déplorable coucheuse, Célina se