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LE COLLAGE

coins de bas de soie rouge, rose ou orange ; et elles vous avaient des mains blanches de paresse, aux ongles très soignés, d’éclatants teints de lis et de roses obtenus par le maquillage, des yeux assombris par le crayon noir. Et, ce qui était surtout remarquable, c’était la recherche de leurs coiffures, l’œuvre d’un même artiste, se ressemblant toutes. Elles buvaient aussi, fumaient, causaient doucement de leurs petites affaires ; mais, malgré l’assurance de leurs gestes et l’audace de leurs rires, on devinait qu’elles n’étaient pas accoutumées à se trouver dehors à pareille heure. Leurs yeux, habitués au gaz, avaient des clignotements. Comme les chats, comme certains oiseaux de nuit, elles se sentaient gênées à la lumière du grand jour.

La tenue et les allures de cette société n’eussent pas suffi à renseigner Jacques, que les bribes de conversation arrivant à ses oreilles lui en auraient appris davantage. — « Alors, Blanche, tu sors mercredi ? murmurait un des jolis messieurs. Eh bien ! je serai à la Moderne… Ne me fais pas poser ! » Une, parlant de sa « galette », se baissait comme pour chercher dans ses bas. Blondinette avertissait les deux bonnes de lui préparer un bain en rentrant, « avant l’heure de la visite ». Un moment, elles parlèrent toutes à la fois. Il s’agissait d’une importante question : le coiffeur, Albert, venait chaque jour une grande