Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/142

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auparavant, tout languit à la fois et meurt quand cette flamme vivifiante vient à s’éteindre. Les nobles français avaient encore les substitutions ; Burke remarque même que les substitutions étaient, de son temps, plus fréquentes et plus obligatoires en France qu’en Angleterre, le droit d’aînesse, les redevances foncières et perpétuelles, et tout ce qu’on nommait les droits utiles ; on les avait soustraits à l’obligation si onéreuse de faire la guerre à leurs dépens, et pourtant on leur avait conservé, en l’augmentant beaucoup, l’immunité d’impôt, c’est-à-dire qu’ils gardaient l’indemnité en perdant la charge. Ils jouissaient, en outre, de plusieurs autres avantages pécuniaires que leurs pères n’avaient jamais eus ; cependant ils s’appauvrissaient graduellement à mesure que l’usage et l’esprit du gouvernement leur manquaient. C’est même à cet appauvrissement graduel qu’il faut attribuer, en partie, cette grande division de la propriété foncière que nous avons remarquée précédemment. Le gentilhomme avait cédé morceau par morceau sa terre aux paysans, ne se réservant que les rentes seigneuriales, qui lui conservaient l’apparence plutôt que la réalité de son ancien état. Plusieurs provinces de France, comme celle du Limousin, dont parle Turgot, n’étaient remplies que par une petite noblesse pauvre, qui ne possédait presque plus de terres et ne vivait guère que de droits seigneuriaux et de rentes foncières.

« Dans cette généralité, dit un intendant, dès le commencement du siècle, le nombre des familles nobles s’élève encore à plusieurs milliers, mais il n’y en a pas