Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/213

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compare sa cote avec celle d’un autre habitant de la paroisse qu’il choisit lui-même. C’est ce que nous nommons aujourd’hui l’appel à l’égalité proportionnelle.

On voit que toutes ces règles sont précisément celles que nous suivons maintenant  ; on ne les a guère améliorées depuis, on n’a fait que les généraliser  ; car il est digne de remarque que, bien que nous ayons pris au gouvernement de l’ancien régime la forme même de notre administration publique, nous nous sommes gardés de l’imiter en tout le reste. C’est aux assemblées provinciales, et non à lui, que nous avons emprunté nos meilleures méthodes administratives. En adoptant la machine, nous avons rejeté le produit.

La pauvreté habituelle du peuple des campagnes avait donné naissance à des maximes qui n’étaient pas propres à la faire cesser. « Si les peuples étaient à l’aise, avait écrit Richelieu dans son Testament politique, difficilement resteraient-ils dans les règles. » Au dix-huitième siècle, on ne va plus si loin, mais on croit encore que le paysan ne travaillerait point s’il n’était constamment aiguillonné par la nécessité : la misère y paraît la seule garantie contre la paresse. C’est précisément la théorie que j’ai entendu quelquefois professer à l’occasion des nègres de nos colonies. Cette opinion est si répandue parmi ceux qui gouvernent, que presque tous les économistes se croient obligés de la combattre en forme.

On sait que l’objet primitif de la taille avait été de permettre au roi d’acheter des soldats qui dispensassent