Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/228

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comme en Angleterre ; jamais, au contraire, ils n’avaient vécu plus loin d’elles ; ils n’étaient revêtus d’aucune autorité quelconque, et ne remplissaient aucune fonction publique dans une société déjà toute remplie de fonctionnaires.

Cependant ils ne demeuraient pas, comme la plupart de leurs pareils en Allemagne, entièrement étrangers à la politique, et retirés dans le domaine de la philosophie pure et des belles-lettres. Ils s’occupaient sans cesse des matières qui ont trait au gouvernement ; c’était là même, à vrai dire, leur occupation propre. On les entendait tous les jours discourir sur l’origine des sociétés et sur leurs formes primitives, sur les droits primordiaux des citoyens et sur ceux de l’autorité, sur les rapports naturels et artificiels des hommes entre eux, sur l’erreur ou la légitimité de la coutume, et sur les principes mêmes des lois. Pénétrant ainsi chaque jour jusqu’aux bases de la constitution de leur temps, ils en examinaient curieusement la structure et en critiquaient le plan général. Tous ne faisaient pas, il est vrai, de ces grands problèmes, l’objet d’une étude particulière et approfondie ; la plupart même ne les touchaient qu’en passant et comme en se jouant ; mais tous les rencontraient. Cette sorte de politique abstraite et littéraire était répandue, à doses inégales, dans toutes les œuvres de ce temps-là, et il n’y en a aucune, depuis le lourd traité jusqu’à la chanson, qui n’en contienne un peu.

Quant aux systèmes politiques de ces écrivains, ils