Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/260

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se faire jour dans leur esprit. Ils sont, il est vrai, très-favorables au libre échange des denrées, au laisser-faire ou au laisser-passer dans le commerce et dans l’industrie ; mais, quant aux libertés politiques proprement dites, ils n’y songent point, et même, quand elles se présentent par hasard à leur imagination, ils les repoussent d’abord. La plupart commencent par se montrer fort ennemis des assemblées délibérantes, des pouvoirs locaux et secondaires, et, en général, de tous ces contre-poids qui ont été établis, dans différents temps, chez tous les peuples libres, pour balancer la puissance centrale. « Le système des contre-forces, dit Quesnay, dans un gouvernement, est une idée funeste. » — « Les spéculations d’après lesquelles on a imaginé le système des contre-poids sont chimériques, » dit un ami de Quesnay.

La seule garantie qu’ils inventent contre l’abus du pouvoir, c’est l’éducation publique ; car, comme dit encore Quesnay, « le despotisme est impossible si la nation est éclairée. » — « Frappés des maux qu’entraînent les abus de l’autorité, dit un autre de ses disciples, les hommes ont inventé mille moyens totalement inutiles, et ont négligé le seul véritablement efficace, qui est l’enseignement public général, continuel, de la justice par essence et de l’ordre naturel. » C’est à l’aide de ce petit galimatias littéraire qu’ils entendent suppléer à toutes les garanties politiques.

Letronne, qui déplore si amèrement l’abandon dans lequel le gouvernement laisse les campagnes, qui nous