Page:Alfieri - De la Tyrannie.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur un trône, qui passe sa vie, ennuyé dans la fatigante satiété de ne trouver jamais d’obstacles à ses désirs.

Il résulte, à ce qu’il me paraît, de tout ce que j’ai dit jusqu’ici, que l’obtention des faveurs d’un seul atteste toujours plus de vices que de vertus dans celui qui les reçoit, quoique celui qui les accorde puisse être vertueux, puisque, pour plaire à ce seul homme, il faut être ou se montrer utile à lui, tandis que la vertu veut que l’homme public soit évidemment utile à la société. Il en résulte également que les faveurs d’un peuple libre, quoiqu’il soit corrompu, attestent néamoins que celui qui les obtient possède quelques qualités et quelques vertus, puisque, pour plaire au plus grand nombre, il faut être manifestement, ou se faire croire utile à tous. Que cette action vienne d’une intention réelle ou supposée, elle demande toujours une certaine capacité et une certaine vertu ; au lieu que l’intention de se montrer utile et nécessaire au despote, afin, d’usurper une partie de son autorité, demande toujours et bassesse de moyens, et petitesse d’esprit, détours et duplicité, et autres infamies pour balancer le crédit de tant de concurrens et l’emporter sur eux