Page:Allais - Deux et deux font cinq (2+2=5).djvu/113

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hensible ! Quand je rentre en moi-même, je prends des bottes d’égoutier.

— Et moi, trois épaisseurs de scaphandre.

Quelques baisers s’échangèrent alors, pour démontrer que ce dégoût (évidemment joué) de leur moi n’était pas mutuel. Et la jeune femme poursuivit :

— Vous vous imaginez peut-être qu’une fois mariée, le monde allait nous ficher la paix avec les différents procédés qu’on emploie à l’égard des maîtresses et des légitimes ? Ah ben, ouiche ! Au contraire, cela ne fit que redoubler. On aurait juré que mes parents et ceux de Fernand s’étaient donné le mot pour nous raser de leurs jérémiades bourgeoises. À les entendre, on ne pouvait s’embrasser un peu qu’après avoir poussé le verrou de sûreté. Heureusement que Fernand et moi, nous ne sommes pas des types à nous laisser racler les côtelettes longtemps et impunément.

— Racler les côtelettes ?

— Oui, raser… quoi ! Nous nous rebiffâmes avec une sombre énergie et une peu commune trivialité d’expressions. Un jour, dans un grand dîner, chez les parents de Fernand, je me lève au dessert et je vais embrasser mon petit mari. Tête de ma belle-mère ! Alors, moi, devant tout le monde : « Vous avez donc peur que la police ne vienne fermer votre boîte ! » Il faut vous dire que le père de Fernand est président du tribunal civil de B… Et tout le temps comme ça ! Mais le pire, et ce qui nous a tout à fait