Page:Allais - Deux et deux font cinq (2+2=5).djvu/162

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Le vieux monsieur mit une infinie bienveillance à m’expliquer le monopole de la Compagnie des Omnibus et une foule de patati et de patata, le tout dans une langue et avec des idées d’esclave qui accepte le monopole du même dos que les nègres de la Jamaïque acceptent les coups de matraque.

Comme, après tout, je m’en fichais, je pris mon parti de l’aventure, décidé à m’amuser de la fiole de ce vieillard décoré mais servile.

— Moi, monsieur, m’écriai-je, je suis un homme libre, et je ne me laisse pas épater par l’œil des barbares !

Il ne comprenait pas bien.

Je repris :

— Alors, vous, monsieur, vous êtes de ceux qui sanctionnent le monopole par la voie de la séquestration ambulante ?… Car, je suis séquestré ! Ambulatoirement, j’en conviens, mais enfin, je suis séquestré !

Je ne sais ce qui se passa dans la tête de mon bonhomme, à ce moment. Il se leva, fit signe au conducteur de me laisser descendre, ajoutant :

— Je prends ça sur moi.

C’était peut-être une grosse légume.