Page:Allais - Deux et deux font cinq (2+2=5).djvu/89

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— Les preuves de quoi ? m’étirai-je en ma couche.

— Je savais bien que ce sale chimpanzé ne s’appelait pas Auguste !

— Ah !

— Je viens de recevoir une dépêche de Bornéo, sa ville natale. Non seulement il ne s’appelle pas Auguste, mais encore il s’appelle Charles !

— Diable, c’est grave !… Et dites-moi, mon cher Cap, pensez-vous que Charles, l’orang de Nice, soit parent de Charles Laurent, de Paris ?

— Dans votre conduite, mon cher Alphonse, le ridicule le dispute à l’odieux… J’ai reçu de notre consul à Bornéo toutes les pièces établissant, incontestablement, que le grand singe du Pont-Vieux s’appelle Charles. Vite, levez-vous et allons chez un avoué. À nous les 10,000 francs !

Mon notaire de Nice, M. Pineau, qui passe à juste titre pour l’un des plus éminents jurisconsultes des Alpes-Maritimes, nous donna l’adresse d’un excellent avoué, et notre papier-timbré fut rédigé en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire.

Mais, hélas ! la petite fête foraine du Pont-Vieux était terminée.

Le faux Auguste, sa baraque, son barnum, tout déménagé à San-Remo, sur la terre d’Italie ; et l’on ignore point que la loi italienne est formelle à cet égard : interdiction absolue de rechercher l’état civil de tout singe haut de 70 centimètre et plus.