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fié deux choses différentes : les uns ont entendu par peuple cette source féconde d’où tant de talens sont sortis, la masse des hommes, riche d’avenir, d’émotions, entre lesquels subsistent des hommes d’élite ; les autres ont entendu par peuple ce qui doit à jamais rester peuple, une sorte de gens bornés, vulgaires, qu’on retrouve dans toutes les classes, qui, rendant l’aristocratie frivole, l’église ridicule, impriment la borne de leurs sentimens dans les lois morales, et altèrent le caractère et les passions des autres ; c’est là le peuple voué à une éternelle roture.

Sans doute rien ne fut précis : la fusion des qualités humaines ne semble soumise à nulle loi ; un caractère timide s’unit souvent avec un esprit hardi ; le poète ne saurait toujours, comme Camoëns, combattre et chanter ; et les plus grandes erreurs sont venues souvent des esprits les plus justes.



CHAPITRE XIV.


La nature a-t-elle voulu donner la souveraineté au grand nombre ? Comment l’aurait-elle voulu quand elle a doué le petit nombre ? Elle a formé les chefs. Ces chefs sont plus nombreux avec la civilisation, car ils sont pris dans tous les rangs de la société. S’ils sont nés avec des esprits portés aux grandes actions, avec le courage, le sentiment du beau, qui ne comprend que ces hommes sont nos chefs, qui ne désire les voir nos chefs ? Le talent n’eût rien fait sans les masses qui l’aident et le suivent ; mais que feraient les masses sans le talent qui les a originairement nourries, vêtues, abritées : à chaque âge, quelques héros