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élan. Un tel peuple a dû renverser l’aristocratie factice, car il est en quelque sorte une aristocratie à lui seul.

Des hommes qui l’ont formé nous en avons vu un : le règne de l’empereur Napoléon a amené de grands malheurs ; mais qui pourrait préférer que ce règne n’eût pas existé ? Quelle ambition il a laissée au peuple ! Comme il a bien inspiré les masses ! Aujourd’hui où trouve-t-on les portraits de l’Empereur, les gravures de ses batailles ? chez le peuple, dans les chaumières des paysans : ici est une des meilleures preuves de l’enchantement du peuple pour le génie ; croit-on que l’habitant des États-Unis qui compte ses dollars soit heureux comme le soldat qui rappelle ses hauts-faits et les paroles que lui adressa l’Empereur ?

Souvenons-nous de cette jeunesse illustre formée à sa voix : aimable et héroïque, mêlant la guerre et l’amour, un regard, un mot de l’Empereur, un ruban donné de sa main, une blessure, formaient sa noble ambition. Ce n’étaient point des esclaves attachés au char du maître, c’étaient des enthousiastes heureux, chez lesquels un grand homme éveillait les élémens de la vertu ; l’exercice du talent est moral, car le désordre n’amène rien : pour la guerre il faut le courage, la discipline, l’activité, la résignation, et quand on admire son chef, il y a le dévouement, l’estime, la ferme direction du talent. Sous lui ils étaient sûrs de vaincre, et cette conviction était le plus bel hommage à son génie. Que ne pouvait un tel homme avec une telle nation ? Ce qui est arrivé était dans la destinée de ces deux héroïsmes unis. Jamais homme ne fut plus tenté[1]. Et tous ceux de cette espèce, quand

  1. « J’ai voulu l’empire du monde, et qui ne l’aurait pas voulu à ma place ? »
    (L’Empereur à B. Constant, dans les cent jours.)