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ANTHOLOGIE FÉMININE

   « C’est un bel esprit, dira-t-on,
  Changeons de voix et de langage. »
  Alors sur un précieux ton,
Des plus grands mots faisant un assemblage.
On ne vous parlera que d’ouvrages nouveaux,
On vous demandera ce qu’il faut qu’on en pense.
En face, on vous dira que les vôtres sont beaux,
  Et l’on poussera l’impudence
Jusques à vous presser d’en dire des morceaux.
Si tout votre discours n’est obsur, emphatique,
On se dira tout bas : « C’est là ce bel esprit ?
  Tout comme un autre elle s’explique,
  On entend tout ce qu’elle dit. »
............
Dès que la renommée aura semé le bruit
  Que vous savez toucher la lyre,
  Hommes, femmes, tout vous craindra.
  Hommes, femmes, tout vous fuira.
Parce qu’ils ne sauront en mille ans que vous dire.
............
Ce que prête la fable à la haute éloquence,
  Ce que l’histoire a consacré,
  Ne vaut jamais rien à leur gré :
  Ce qu’on sait plus qu’eux les offense.
On dirait, à les voir, de l’air présomptueux
  Dont ils s’empressent pour entendre
  Des vers qu’on ne lit point pour eux.
Qu’à décider de tout ils ont droit de prétendre ;
Sur ce dehors trompeur, on ne doit pas compter.