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DEUXIÈME PÉRIODE

pas, la chose est impossible ! » — Pardonnez-moi, Madame, c’est elle ; c’est Marianne, oui, Marianne elle-même. — Quoi ! cette Marianne si fameuse, si connue, si chérie, si désirée, que tout Paris croit morte et enterrée ? Eh ! ma chère enfant, d’où sortez-vous ? vous êtes oubliée, on ne songe plus à vous ; le public, las d’attendre, vous a mise au rang des choses perdues sans retour. »

À tout cela je répondrai que je ne m’en soucie guère : j’écris pour vous, je vous ai promis la suite de mes aventures, je veux vous tenir parole ; si cela déplaît à quelqu’un, il n’a qu’à me laisser là. Au fond j’écris pour m’amuser ; j’aime à parler, à causer, à babiller même ; je réfléchis, tantôt bien, tantôt mal ; j’ai de l’esprit, de la finesse, une espèce de naturel, une sorte de naïf ; il n’est peut-être pas du goût de tout le monde, mais je ne l’en estime pas moins ; il fait le brillant de mon caractère. Ainsi, Madame, imaginez-vous bien que je serai toujours la même ; que le temps, l’âge ou la raison ne m’ont point changée, ne m’ont seulement pas fait désirer de me corriger. À présent, reprenons mon histoire.

Je vous disais donc que, grâce au Ciel, la cloche sonna et que ma religieuse me quitta : je dis grâce au Ciel, car en vérité son récit m’avoit paru long, et la raison de cela, c’est qu’en m’occupant des chagrins de mon amie je ne pouvois pas m’occuper des miens. Bien des gens croient qu’il faut être malheureux soi-même pour compatir aux infortunes des autres ; il me semble à moi que cela n’est pas vrai. Dans une situation heureuse on