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ANTHOLOGIE FÉMININE

voit avec attendrissement les personnes qui sont à plaindre, on écoute avec sensibilité le récit de leurs peines ; on est touché, on les trouve considérables, la comparaison les grossit à nos yeux : dans l’état contraire, le cœur, rempli de ses propres chagrins, s’intéresse faiblement à ceux des autres ; ils lui paraissent plus faciles à supporter que les siens, et j’ai senti cela, moi qui vous parle......


LETTRES D’UNE ÉPOUSE

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Hélas ! tu m’as donc quittée ? Trompée par ta tendre feinte, j’ai cru que tant d’apprêts menaçaient seulement les hôtes de nos bois. Ô quel triste réveil ! mon époux loin de moi, ses esclaves empresses à le suivre, les hennissements de ses fiers coursiers, le son aigu des clairons, ses chariots armés de faux tranchantes ! Ô guerre ! ô fureur ! j’ai reconnu les enseignes terribles ! Mon âme s’est troublée. Dans mon effroi j’ai appelé mon bien-aimé : mes accents douloureux ne l’ont point ramené près de moi. Il craint donc de voir couler les pleurs qu’il fait répandre ! Il ne veut donc point partager l’amertume de mes regrets ! Cher époux, mes regards sont fixés sur ce champ fatal où tu rassembles tes guerriers ; j’aperçois ton superbe pavillon ; je le crie, en pleurant, de m’accorder un seul instant ; ma voix se perd dans les airs… Mais quel bruit se fait entendre ? Ah ! bruit affreux, cruel signal ! déjà mon époux déploie ses drapeaux de pourpre ; il saisit son arme redoutable ; la trompette l’appelle, ses sons funestes