Page:Alzog - Histoire universelle de l’Église, tome 1.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

antiques traditions, tenant ferme à la lettre et à la forme, et par cela même perdant facilement l’esprit, le sens et l’essence des choses ; les Sadducéens, au contraire, entrevoyant la nécessité d’un progrès, sans vouloir l’attendre, prétendaient l’opérer eux-mêmes ou l’obtenir, en introduisant des coutumes étrangères et défendues, et en affectant une liberté d’opinion opposée à la stérile orthodoxie des pharisiens. Entre ces deux partis se trouvaient ceux qui, tout en abandonnant quelque chose de la rigueur des traditions paternelles, cherchaient un asile et un refuge dans le recueillement intérieur, et menaient une vie mystique et contemplative : c’étaient les esséniens[1]. Faut-il mieux caractériser encore ces trois sectes ? Les pharisiens, à côté des documents authentiques et écrits de la religion, admettaient une tradition, commentaire vivant, explication orale et permanente de toutes les difficultés des Écritures[2]. Ils se tenaient d’après cela pour les docteurs de la loi, pen-

  1. Sur le schisme opéré dans le judaïsme par ces trois sectes, voyez Stolberg, IV, p. 499-524. — Trium scriptor. illust. (Drusii, Scaligeri et Senarrii de trib. Judæor, sectis syntagma, ed. Triglandius. Delphis, 1703, 2 vol. in-4. — Beer, Hist. des sectes religieuses du judaïsme. Brunn, 1822.
  2. « Il y a deux sortes de traditions, dit Molitor : la tradition écrite et la tradition orale. L’écriture arrête le temps dans son cours rapide ; elle saisit et burine en traits ineffaçables la parole fugitive et en fait un objet permanent. Aussi l’écriture est-elle la plus sûre de toutes les traditions. Néanmoins, malgré cet avantage, elle procure seulement une image générale et affaiblie de la réalité. Elle n’a point la précision qui fait la vie. C’est pourquoi elle est mélangée d’une foule d’erreurs, et doit toujours être soutenue par la tradition orale, qui en devient l’interprète vivant et animé. S’il n’en est ainsi, tout est mort : on n’a qu’une pure abstraction. — Dans l’ancien monde, où l’homme différait essentiellement de ce qu’il est dans le nôtre ; dans l’ancien monde, où la réflexion ne menaçait pas de tuer la vie, où les relations étaient plus simples, plus naturelles, cette alliance de la parole parlée et de la parole écrite, de la théorie et de la pratique, était observée avec beaucoup plus de rigueur. — L’existence propre et individuelle de chaque science, l’esprit véritable, la vie de l’ensemble était dans la parole vivante et dans la démonstration pratique que chaque maître transmettait à son élève, pour que celui-ci laissât ce mystérieux trésor à ses héritiers. Si, à travers toute l’antiquité, dans le domaine de l’art comme dans celui de la science, la vie consistait bien plutôt dans une communication orale que dans la transmission écrite, assurément nous ne devons être