Page:Alzog - Histoire universelle de l’Église, tome 1.djvu/73

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l’unité de Dieu se perdit presque entièrement. Les forces, les influences, les phénomènes multiples de la nature avec lesquels seuls l’homme restait en rapport, puis le développement graduel des races, constituant des peuples isolés, des nationalités exclusives, firent naître le polythéisme. Les hommes virent Dieu tantôt dans la pierre, les plantes et le bois ; tantôt dans les animaux, les étoiles et dans l’homme ; tantôt dans la beauté sensible et dans l’être abstrait qui s’appelle l’État. Ces notions religieuses en se développant et se systématisant formèrent bientôt le fétichisme, le culte des animaux et des astres, le culte de l’homme, de ses œuvres et de ses conceptions, le culte de l’art, la divinisation de l’État, et tous les systèmes de philosophie religieuse, correspondant à la diversité des temps et des lieux, le panthéisme, le dualisme, le fatalisme, le matérialisme sous toutes ses formes. La Divinité se confondant avec la nature dans la croyance des hommes, ils perdirent l’idée de la spiritualité, de la sainteté, et par là même de la liberté de Dieu. Les dieux, comme toutes choses, furent soumis au pouvoir souverain de la nécessité (ἀναγϰἠ, fatum).

Cependant peu à peu les religions naturelles cherchèrent à se libérer de l’esclavage de la nature et à substituer la forme humaine comme image de la Divinité. Ce fut chez les Grecs que, pour la première fois, les dieux apparurent sous la forme déterminée et permanente de l’homme, c’est-à-dire comme des esprits individuels, ayant conscience d’eux-mêmes, de leur liberté et de leur personnalité. Le paganisme avait de l’homme une idée aussi fausse que de Dieu. La Divinité, n’étant point conçue comme un être essentiellement spirituel, ne pouvait être honorée qu’extérieurement. Le sacrifice spirituel de soi-même, l’abandon de sa volonté à la volonté divine, l’offrande d’un cœur pur étaient inconnus au paganisme vulgaire : il n’avait de sacrifices que pour conserver la faveur des dieux dans l’avenir, ou leur exprimer sa joie et sa reconnaissance pour les bienfaits du passé. Il ne concevait pas mieux les motifs moraux des actions humaines, par cela même que son dieu n’avait ni sainteté ni liberté. Aussi ne trouve-t-on parmi les païens aucun vestige de sainteté ou d’humilité : quant à celle-ci, elle n’avait pas même de nom dans leur langue, et quant