Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
191
LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Combien nous avons été ingrats pour ce cher enfant ! Nous ne l’avons ni remercié ni récompensé… occupés de cette espèce de fou qui nous suivait… Et pourtant, chers, si je suis au milieu de vous, c’est au courage de ce gros garçon que je le dois.

Jean rougissait. Il rougit bien davantage lorsqu’il s’aperçut que, tout en parlant, miss Kate avec une adresse de pick-pocket venait de glisser dans le gousset de sa blouse et de fixer à une boutonnière, par son porte-mousqueton, la montre qu’elle portait l’instant d’auparavant, — avec sa belle chaîne d’or.

Il eut un éblouissement, lorsque tirant vivement cette montre, elle lui apparut telle qu’elle était : du plus riche métal, et très artistement ciselée.

— Elle m’a toujours semblé un peu grande pour moi, observa miss Kate en souriant. En vérité, c’est une montre d’homme. Vous serez un homme, un jour, mon petit Jean, et un homme courageux et honnête. Ma montre est très bien placée dans votre gousset…

Et miss Kate jouissait de l’embarras de son petit ami.

Jean promena sur l’assistance un regard interrogateur, anxieux, éperdu. Il semblait demander conseil à chacun sur ce qu’il devait faire. Il cherchait surtout à comprendre l’expression du regard de lady Tavistock, doucement fixé sur lui.

Miss Kate devina sa pensée.

— Ma mère, dit-elle, m’a autorisée à vous faire ce petit présent.

— Yes, yes, répétait sir William, tout en tirant de son portefeuille un billet de banque.

Le petit Parisien s’alarma devant ce débordement de générosité.

— Eh bien, vrai ! lui dit Modeste Vidal, ils s’y mettent un peu tard, mais ils font bien les choses… J’avais été surpris de l’indigence de leurs remerciements (Jean avait raconté au musicien l’incident tragique du puy de Sancy). Tu peux accepter sans aucune honte, mon cher Jean.

— Mais ce que j’ai fait, objecta le petit Parisien, ce n’était pas avec cette idée, je vous l’assure, monsieur Modeste.

— À qui le dis-tu, mon garçon ?

Ce fut au tour de sir William de s’avancer au milieu du cercle que formait sa famille, Jean, M. Pascalet et Modeste Vidal — sans compter le palefrenier qui n’était pas le moins ébaubi, et augurait bien de la rondeur de son pourboire à la fin de la journée.

— Moi aussi, dit l’Anglais, je veux donner vô, ioune petite récompense.

Sur sa demande, son fils lui passa un mince carnet, dans lequel sir William