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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

baigné par la Mayenne. C’est une ville datant du huitième siècle, formée d’abord par la réunion d’une centaine de maisons autour d’un vieux château se dressant en pleine forêt sur une colline, et destiné à arrêter les incursions des Bretons. Ce château, détruit par les Danois et les Normands, fut réédifié au siècle suivant, et ce qu’il en reste de noires murailles — un donjon très haut, large et couronné de créneaux et de mâchicoulis — sert de prison.

Aujourd’hui la population de Laval est de 30,000 habitants. Cette ville occupe un espace considérable sur les deux rives de la Mayenne, réunies par deux ponts de pierre. Sur l’escarpement de l’un des deux coteaux qui bordent la rive droite, de vieilles maisons couvertes d’ardoises se sont groupées dans un désordre très pittoresque, auquel ajoutent leurs pignons aigus ; les unes sont en saillie, les autres en retrait ; des terrasses, des bouquets d’arbres, des jardins mettent un peu d’air et de verdure dans ces masses confuses. Certaines rues étroites, d’un accès difficile à cause de la raideur de leurs pentes, se prolongent sous les voûtes que font les maisons en se rapprochant.

Il y en a de ces maisons, qui ont de six à sept cents ans. Bâties en bois, chacun de leur étage surplombe de beaucoup sur l’étage inférieur ; la tradition veut qu’elles aient été construites avec des chênes abattus sur leur emplacement même. D’anciens clochers se dressent au-dessus des maisons. La ville moderne abandonne la colline où s’échelonnaient les rues de l’ancienne cité. Un nouveau quartier s’est élevé dans la plaine au delà de la Mayenne. De vastes jardins, des places et des promenades plantées d’arbres donnent à cette partie de la ville un aspect riant. À l’entrée d’une avenue d’arbres, on voit la statue en bronze d’Ambroise Paré, œuvre de David d’Angers. Le célèbre et grand chirurgien du seizième siècle est né tout près de Laval, à Bourg-Hersent.

Dans les quartiers les plus humbles se logent les ouvriers attachés à l’industrie locale : celle des coutils de « nouveauté » ; plus de dix mille ouvriers tant en ville qu’aux environs vivent de ce travail de tissage. Cette industrie se trahit tout d’abord aux yeux du voyageur par de grandes quantités de toiles étendues dans les prairies et de nombreuses blanchisseries éparpillées un peu partout. Cela explique que le lin et le chanvre soient les cultures préférées du département, ces deux plantes textiles étant utilisées en quelque sorte sur place.

Tandis que Jean cherchait à s’orienter et s’appliquait à faire ses frais de déplacement en regardant tout, Méloir, occupé d’une seule idée, se mettait en quête d’un endroit où l’on put trouver dans les prix modérés, le vivre et le