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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

couvert. Il ne fut pas longtemps sans découvrir une vieille auberge d’apparence enfumée, bâtie en pans de bois croisés, avec de massifs balcons de fer à toutes les fenêtres.

— Louchez droit, dit-il à Jean. V’là notre affaire. Vous saurez que Laval a une réputation pour la poitrine de mouton grillée mangée à la sauce poivrade. Paris n’y arrive pas. Vous en licherez votre keuté.

— Mon couteau ?

— Oui, bien.

— C’est bon ! Nous viendrons souper et coucher ici, répondit Jean ; mais quand il fera nuit.

Méloir marcha en rechignant derrière son ami Jean, qui voulait jeter tout de suite un coup d’œil sur les églises, — et il y en a de remarquables — afin de partir dès la première heure, le lendemain, pour Rennes.

Ils suivirent l’interminable artère qui traverse tout le centre de Laval ; c’est la route de Paris à Brest, qui prend successivemement les noms de rue de la Paix et de rue de Joinville, et traverse sur chaque rive de la Mayenne les plus beaux quartiers, en franchissant la rivière sur un pont en pierres de taille construit au commencementde ce siècle.

Du milieu de ce pont, Jean vit se développer tout entière la ville, que la Mayenne divise en deux parties inégales ; à droite la vieille cité féodale, à gauche, dans la vallée, la nouvelle ville. Sur les deux rives, de beaux quais de granit bordés de constructions modernes vont se relier en aval au vieux pont gothique. Des bateaux chargés de marchandises descendent jusqu’à Angers. La flèche élégante de l’église d’Avenières se détache vers le sud, tandis que du côté opposé se profile sur le bleu du ciel et les coteaux boisés de la vallée supérieure, le viaduc du chemin de fer.

Enfin Jean dut céder aux exigences du Breton, tourmenté par un féroce appétit et la perspective de la fameuse poitrine de mouton grillée ; et l’on prenait le chemin de l’auberge, lorsqu’il se trouva face à face avec un petit bossu, de fort bonne mine, très soigné de sa personne, dans lequel il reconnut ce savant tourangeau dont le baronnet n’avait pas suffisamment apprécié les connaissances en archéologie, lors de leur rencontre à l’hôtel du Faisan, à Tours.

Jean salua avec empressement.

— Votre figure ne m’est pas inconnue, lui dit le bossu en lui rendant son salut, mais, mon jeune ami, je ne sais plus du tout où je vous ai vu ?