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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

mètres de la ville. Le canal du Midi y descend la colline par neuf écluses. Réel sujet d’admiration auquel on ne prêtait qu’une attention bien distraite.

Le train laissa à droite la ligne d’Agde et de Cette, et s’engagea au milieu de vignobles qui s’étendaient de toutes parts à perte de vue. On voyait par le transit des stations que l’Hérault fait un très grand commerce de vins. Un peu avant d’être à la hauteur de Bédarieux, le terrain commença à se mamelonner. Bientôt on atteignit les premiers contreforts des montagnes des Cévennes, défrichés en partie pour la culture de la vigne, mais tapissés encore sur plusieurs de leurs versants de taillis de chênes verts et d’arbousiers.

Bédarieux, reconnaissable de loin aux cheminées des usines où se fabriquent des draps pour l’armée, fut laissée sur la gauche, et, de même, un peu après, la voie qui dessert les mines de charbon de Graissessac.

La vallée se resserrait ; de hautes montagnes se dressaient plus rapprochées l’une de l’autre à mesure que l’on avançait vers le nord. Il y eut des gorges à franchir, des pentes à gravir, qui réclamaient l’emploi de deux puissantes machines l’une à la tête du train, l’autre à l’arrière ; des descentes rapides, pour lesquelles on mettait les deux locomotives en tête, la contre-vapeur fonctionnant.

Partout des montagnes arides, des roches dénudées, des vallées profondes et déchirées, des ravins sauvages. Pour végétation, çà et là quelques arbres chétifs, quelques touffes de buis. Comme pour rappeler la présence de l’homme, parfois les ruines d’un château féodal. Ce tableau désolé augmentait la peine des jeunes gens. Quant à sir William il se fût plutôt réjoui. Ce voyage à Roquefort n’était-il pas une circonstance aggravante à faire connaître à milady, et dont milady serait certainement informée avant peu par le jeune baron du Vergier ?

Nos touristes descendirent enfin à la gare de Tournemire, dernière station de leur voyage : c’est un village bâti dans un cirque découpé dans la falaise du Larzac. En face, une chaîne de hauteurs, à l’extrémité de laquelle se groupent les maisons de Roquefort, dans une anse de la montagne, au pied de rochers élevés et à pic et confondues même parmi ces rochers, s’attachant à leur flancs. Ils se rendirent pédestrement à Roquefort.

C’était bien là, en effet, à huit kilomètres à l’est de Saint-Affrique, sur la pente du Combalou, ce village de Roquefort, si renommé par ses fromages… On n’ignore pas que c’est à des caves creusées dans le roc que le fromage de Roquefort doit ses qualités. Ces caves sont situées au-dessous du sol et cou-