Page:Anatole France - Balthasar.djvu/12

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Balkis, ayant vu des poissons salés qui pendaient aux solives du toit, dit à son compagnon :

— Je voudrais bien manger un de ces poissons, avec de l’oignon pilé.

Balthasar la fit servir. Quand elle eut mangé, il s’aperçut qu’il n’avait point emporté d’argent. Il en prit peu de souci et pensa sortir avec elle sans payer son écot. Mais le cabaretier leur barra le chemin, en les appelant vilain esclave et méchante ânesse. Balthasar l’abattit à terre d’un coup de poing. Plusieurs buveurs, le couteau levé, se jetèrent alors sur les deux inconnus. Mais le noir, s’étant armé d’un énorme pilon qui servait à piler les oignons d’Égypte, assomma deux de ses agresseurs et força les autres à reculer. Cependant il sentait la chaleur du corps de Balkis blottie contre lui ; c’est pourquoi il était invincible. Les amis du cabaretier, n’osant plus approcher, firent voler sur lui, du fond de la boutique, les jarres d’huiles, les tasses d’étain, les lampes allumées et même l’énorme marmite de bronze où cuisait un mouton tout entier. Cette marmite tomba avec un bruit horrible sur la tête de Balthasar, qui en eut le crâne fendu. Il resta