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et je traitais avec un de mes confrères une affaire professionnelle d’une certaine importance. Toutefois, je priai mon confrère de m’attendre une minute et je courus embrasser mon ancien camarade. Je le trouvai bien vieilli, chauve, hâve, d’une excessive maigreur. Je le pris par le bras et le conduisis dans le salon.

— Je suis bien content de te revoir, me dit-il, et j’ai beaucoup à te dire. Je suis en butte à des persécutions inouïes. Mais j’ai du courage, je lutterai vaillamment, je triompherai de mes ennemis !

Ces paroles m’inquiétèrent comme elles eussent inquiété à ma place tout autre médecin neurologiste.

J’y découvrais un symptôme de l’affection dont mon ami était menacé par les lois fatales de l’hérédité, et qui avait paru enrayée.

— Cher ami, nous causerons de tout cela, lui dis-je. Reste ici un moment. Je termine une affaire. Prends un livre pour te distraire en attendant.

Vous savez que j’ai beaucoup de livres et que mon salon contient, dans trois bibliothèques d’acajou, six mille volumes environ.