Page:Anatole France - Balthasar.djvu/123

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j’avais fait un retour sur mon pauvre ami de Saint-Julien et pronostiqué malgré moi la paralysie générale qui menaçait cet enfant d’une migraineuse et d’un microcéphale rhumatisant.

Les apparences ne me donnèrent pas raison d’abord. Alexandre Le Mansel, ainsi qu’on me le manda d’Avranches, retrouva à l’âge adulte une santé normale et donna des preuves certaines de la beauté de son intelligence. Il poussa très avant ses études mathématiques ; même il envoya à l’Académie des sciences la solution de plusieurs équations non encore résolues, qui fut trouvée aussi élégante que juste. Absorbé par ces travaux, il ne trouvait que rarement le temps de m’écrire. Ses lettres étaient affectueuses, claires, bien ordonnées ; il ne s’y rencontrait rien qui pût être suspect au neurologiste le plus soupçonneux. Mais bientôt notre correspondance cessa tout à fait et je restai dix ans sans entendre parler de lui.

Je fus bien surpris, l’an passé, quand mon domestique me remit la carte d’Alexandre Le Mansel en me disant que ce monsieur attendait dans l’antichambre. J’étais dans mon cabinet,