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— Battre les demoiselles n’est pas le fait d’un comte de Blanchelande, monseigneur.

Georges eut d’abord envie de passer sa pelle à travers le corps de l’écuyer. Mais, l’entreprise présentant des difficultés insurmontables, il se résigna à accomplir une action plus aisée, qui fut de se mettre le nez contre un gros arbre et de pleurer abondamment.

Pendant ce temps, Abeille prenait soin d’entretenir ses larmes en s’enfonçant les poings dans les yeux ; et, dans son désespoir, elle se frottait le nez contre le tronc d’un arbre voisin. Quand la nuit vint envelopper la terre, Abeille et Georges pleuraient encore, chacun devant son arbre. Il fallut que la duchesse des Clarides prît sa fille d’une main et Georges de l’autre pour les ramener au château. Ils avaient les yeux rouges, le nez rouge, les joues luisantes ; ils soupiraient et reniflaient à fendre l’âme. Ils soupèrent de bon appétit ; après quoi on les mit chacun dans son lit. Mais ils en sortirent comme de petits fantômes dès que la chandelle eut été soufflée, et ils s’embrassèrent en chemise de nuit, avec de grands éclats de rire.

Ainsi commencèrent les amours d’Abeille des Clarides et de Georges de Blanchelande.