Page:Anatole France - Balthasar.djvu/174

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On ne l’écoutait plus, et l’assemblée s’agitait tumultueusement, lorsqu’un Nain, nommé Pau, qui avait l’esprit simple, mais juste, donna son avis en ces termes :

— Il faut commencer par réveiller cette demoiselle, puisqu’elle ne se réveille pas d’elle-même ; si elle passe la nuit de la sorte, elle aura demain les paupières gonflées et sa beauté en sera moindre, car il est très malsain de dormir dans un bois au bord d’un lac.

Cette opinion fut généralement approuvée, parce qu’elle n’en contrariait aucune autre.

Pic, semblable à un vieux poète accablé de maux, s’approcha de la jeune fille et la contempla gravement, dans la pensée qu’un seul de ses regards suffirait pour tirer la dormeuse du fond du plus épais sommeil. Mais Pic s’abusait sur le pouvoir de ses yeux, et Abeille continua à dormir les mains jointes.

Ce que voyant, le vertueux Tad la tira doucement par la manche. Alors elle entr’ouvrit les yeux et se souleva sur son coude. Quand elle se vit sur un lit de mousse, entourée de Nains, elle crut que ce qu’elle voyait était un rêve de la nuit et elle frotta ses yeux pour les dessiller, et afin qu’il y entrât, au lieu de la vision fantastique,