Page:Anatole France - Balthasar.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

serait en âge et de réconcilier par elle les hommes avec les Nains, il craignit que Georges ne devînt plus tard son rival et ne renversât ses projets. C’est pourquoi il fronça les sourcils et s’éloigna en baissant la tête comme un homme soucieux.

Abeille, voyant qu’elle l’avait fâché, le tira doucement par un pan de son manteau.

— Petit roi Loc, lui dit-elle d’une voix triste et tendre, pourquoi nous rendons-nous malheureux l’un l’autre ?

— Abeille, c’est la faute des choses, répondit le roi Loc ; je ne puis vous ramener à votre mère, mais je lui enverrai un songe qui l’instruira de votre sort, chère Abeille, et qui la consolera.

— Petit roi Loc, répondit Abeille en souriant dans ses larmes, tu as une bonne idée, mais je vais te dire ce qu’il faudra faire. Il faudra envoyer, chaque nuit, à ma mère un songe dans lequel elle me verra, et m’envoyer à moi, chaque nuit, un songe dans lequel je verrai ma mère.

Le roi Loc promit de le faire. Et ce qui fut dit fut fait. Chaque nuit, Abeille vit sa mère, et chaque nuit la duchesse vit sa fille. Cela contentait un peu leur amour.