Page:Anatole France - Balthasar.djvu/21

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partons tout de suite pour l’Éthiopie. Et, comme il avait perdu ce qu’il aimait, il résolut de se consacrer à la sagesse et de devenir un mage. Si cette résolution ne lui donnait point de plaisir, du moins lui rendait-elle un peu de calme. Chaque soir, assis sur la terrasse de son palais, en compagnie du mage Sembobitis et de l’eunuque Menkéra, il contemplait les palmiers immobiles à l’horizon, ou bien il regardait, à la clarté de la lune, les crocodiles flotter sur le Nil comme des troncs d’arbres.

— On ne se lasse point d’admirer la nature, disait Sembobitis.

— Sans doute, répondait Balthasar. Mais il y a dans la nature quelque chose de plus beau que les palmiers et que les crocodiles.

Il parlait ainsi parce qu’il lui souvenait de Balkis.

Et Sembobitis, qui était vieux, disait :

— Il y a le phénomène des crues du Nil qui est admirable et que j’ai expliqué. L’homme est fait pour comprendre.

— Il est fait pour aimer, répondait Balthasar en soupirant. Il y a des choses qui ne s’expliquent pas.

— Lesquelles ? demanda Sembobitis.