Page:Anatole France - Balthasar.djvu/233

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vous demandait des petits morceaux de drap pour faire des robes aux poupées de ma sœur Abeille.

Mais le bonhomme se récriait :

— Vous n’avez donc point été noyé, monseigneur ? J’en suis aise ! Vous avez tout à fait bonne mine. Mon petit-fils Pierre, qui grimpait dans mes bras pour vous voir passer le dimanche matin à cheval au côté de la duchesse, est devenu un bon ouvrier et un beau garçon. Il est, Dieu merci, tel que je vous le dis, monseigneur. Il sera content de savoir que vous n’êtes pas au fond de l’eau et que les poissons ne vous ont point mangé comme il le croyait. Il a coutume de dire à ce sujet les choses les plus plaisantes du monde ; car il est plein d’esprit, monseigneur. Et c’est un fait qu’on vous regrette dans toutes les Clarides. Votre enfance était pleine de promesses. Il me souviendra jusqu’à mon dernier soupir qu’un jour vous me demandâtes mon aiguille à coudre, et, comme je vous la refusai parce que vous n’étiez pas d’âge à la manier sans danger, vous me répondîtes que vous iriez au bois cueillir les belles aiguilles vertes des sapins. Vous dîtes cela, et j’en ris encore. Sur mon âme ! vous