Page:Anatole France - Balthasar.djvu/234

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dîtes cela. Notre petit Pierre trouvait aussi d’excellentes reparties. Il est aujourd’hui tonnelier, à votre service, monseigneur.

— Je n’en veux pas d’autre que lui. Mais donnez-moi, maître Jean, des nouvelles d’Abeille et de la duchesse.

— Hélas ! d’où venez-vous, monseigneur, si vous ne savez pas que la princesse Abeille fut enlevée, il y a sept ans, par les Nains de la montagne ? Elle disparut le jour même où vous fûtes noyé ; et l’on peut dire que ce jour-là les Clarides perdirent leurs deux plus douces fleurs. La duchesse en mena un grand deuil. C’est ce qui me fait dire que les puissants de ce monde ont aussi leurs peines comme les plus humbles artisans et qu’on connaît à ce signe que nous sommes tous fils d’Adam. En conséquence de quoi un chien peut bien regarder un évêque, comme on dit. À telles enseignes que la bonne duchesse en vit blanchir ses cheveux et perdit toute gaieté. Et quand, au printemps, elle se promène en robe noire sous la charmille où chantent les oiseaux, le plus petit de ces oiseaux est plus digne d’envie que la souveraine des Clarides. Toutefois sa peine n’est pas sans un peu d’espoir, monseigneur ; car, si elle n’a point de