Page:Anatole France - Balthasar.djvu/242

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pour faire raison aux amis, le verre à la main. Si bien que, ce jour-là, après avoir fait nombre de politesses, il s’en revint seul à la brune et prit un mauvais chemin, faute d’avoir reconnu le bon. Se trouvant proche une caverne, il aperçut aussi distinctement qu’il était possible dans son état et à cette heure, une troupe de petits hommes portant sur un brancard une fille ou un garçon. Il s’enfuit de peur de malencontre ; car le vin ne lui ôtait pas la prudence. Mais à quelque distance de la caverne, ayant laissé choir sa pipe, il se baissa pour la ramasser et il saisit à la place un petit soulier de satin. Il fit à ce sujet une remarque qu’il se plaisait à répéter quand il était de bonne humeur : « C’est la première fois, se dit-il, qu’une pipe se change en soulier. » Or comme ce soulier était un soulier de petite fille, il pensa que celle qui l’avait perdu dans la forêt avait été enlevée par les Nains et que c’était son enlèvement qu’il avait vu. Il allait mettre le soulier dans sa poche, quand des petits hommes, couverts de capuchons, se jetèrent sur lui et lui donnèrent des soufflets en si grand nombre qu’il resta tout étourdi sur la place.

— Maurille ! Maurille ! s’écria Georges, c’est le