Page:Anatole France - Balthasar.djvu/42

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des productions d’un tel caractère. Ces réunions académiques sont très suivies depuis quelques années par les gens du monde.

Le jour où je fis ma lecture, la salle était envahie par un public d’élite. Les femmes s’y trouvaient en grand nombre. De jolis visages et d’élégantes toilettes brillaient dans les tribunes. Ma lecture fut écoutée avec respect. Elle ne fut pas coupée par ces manifestations irréfléchies et bruyantes que soulèvent naturellement les morceaux littéraires. Non ; le public garda une attitude mieux en harmonie avec la nature de l’œuvre qui lui était présentée. Il se montra sérieux et grave.

Comme, pour mieux détacher les pensées, je mettais des pauses entre les phrases, j’eus le loisir d’examiner attentivement par-dessus mes lunettes la salle entière. Je puis dire qu’on ne voyait point errer des sourires légers sur les lèvres. Loin de là ! Les plus frais visages prenaient une expression austère. Il semblait que j’eusse mûri tous les esprits par enchantement. Çà et là, tandis que je lisais, des jeunes gens chuchotaient à l’oreille de leur voisine. Ils l’entretenaient sans doute de quelque point spécial traité dans mon mémoire.