Page:Anatole France - Balthasar.djvu/43

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Bien plus ! une belle personne de vingt-deux à vingt-quatre ans, assise à l’angle gauche de la tribune du Nord, tendait l’oreille et prenait des notes. Son visage présentait une finesse de traits et une mobilité d’expression vraiment remarquables. L’attention qu’elle prêtait à ma parole ajoutait au charme de sa physionomie étrange. Elle n’était pas seule. Un homme grand et robuste, portant, comme les rois assyriens, une longue barbe bouclée et de longs cheveux noirs, se tenait près d’elle et lui adressait de temps en temps la parole à voix basse. Mon attention, partagée d’abord entre tout mon public, se concentra peu à peu sur cette jeune femme. Elle m’inspirait, je l’avoue, un intérêt que certains de mes collègues pourront considérer comme indigne du caractère scientifique qui est le mien, mais j’affirme qu’ils n’auraient pas été plus indifférents que moi s’ils s’étaient trouvés à pareille fête. À mesure que je parlais, elle griffonnait sur un petit carnet de poche ; visiblement elle passait, en écoutant mon mémoire, par les sentiments les plus contraires, depuis le contentement et la joie jusqu’à la surprise et même l’inquiétude. Je l’examinais avec une curiosité croissante. Plût