Page:Anatole France - Balthasar.djvu/61

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une heure, la chambre n’était éclairée que par les yeux phosphorescents de Porou. J’avais écrit aussi facilement dans l’obscurité que je l’eusse pu faire à la clarté d’une bonne lampe. Mon conte une fois terminé, je m’habillai ; je mis mon habit noir et ma cravate blanche, puis prenant congé de Porou, je descendis rapidement mon escalier et m’élançai dans la rue. Je n’y avais pas fait vingt pas que je me sentis tiré par la manche.

— Où courez-vous ainsi, mon oncle, comme un somnambule ?

C’était mon neveu Marcel qui m’interpellait de la sorte, un honnête et intelligent jeune homme, interne à la Salpêtrière. On dit qu’il réussira dans la médecine. Et, de fait, il aurait l’esprit assez bon s’il se défiait davantage de son imagination capricieuse.

— Mais, lui répondis-je, je vais porter un conte de ma façon à miss Morgan.

— Quoi ! mon oncle, vous faites des contes et vous connaissez miss Morgan ? Elle est bien jolie. Connaissez-vous aussi le docteur Daoud, qui la suit partout ?

— Un empirique, un charlatan !

— Sans doute, mon oncle, mais à coup