Page:Anatole France - Balthasar.djvu/66

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je murmurai dans mon cœur cette prière : « Mon Dieu, Dieu de miséricorde, préservez-moi du désespoir et ne me laissez pas commettre, après tant de fautes, le seul péché que vous ne pardonniez pas. » Alors je vis le soleil, rouge et sans rayons, descendre comme une hostie sanglante à l’horizon et, me rappelant le divin sacrifice du Calvaire, je sentis l’espérance entrer dans mon âme. Les roues continuèrent quelque temps encore à faire craquer la neige. Enfin, le voiturier me montra du bout de son fouet le clocher d’Artigues qui se dressait comme une ombre dans la brume rougeâtre.

— Eh ! donc, me dit cet homme, vous descendez au presbytère ? Vous connaissez monsieur le curé ?

— Je le connais depuis mon enfance. Il était mon maître quand j’étais écolier.

— Il est savant dans les livres ?

— Mon ami, monsieur le curé Safrac est aussi savant qu’il est vertueux.

— On le dit. On dit pareillement autre chose.

— Que dit-on, mon ami ?

— On dit ce qu’on veut, et moi je laisse dire.