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l’auteur inspiré de la Genèse ne parle point pour la seule raison que leur existence n’intéressait point le salut éternel des enfants d’Adam. Bien plus, un examen minutieux des premiers chapitres de la Genèse m’a démontré l’existence de deux créations successives, séparées par de longs âges, et dont la seconde n’est, pour ainsi dire, que l’adaptation d’un canton de la terre aux besoins d’Adam et de sa postérité.

Il s’arrêta une seconde et reprit à voix basse, avec une gravité vraiment religieuse :

— Moi, Martial Safrac, prêtre indigne, docteur en théologie, soumis comme un enfant obéissant à l’autorité de notre sainte mère l’Église, j’affirme avec une certitude absolue — sous la réserve expresse de l’autorité de notre saint père le Pape et des conciles — qu’Adam, créé à l’image de Dieu, eut deux femmes, dont Ève est la seconde.

Ces paroles singulières me tiraient peu à peu hors de moi-même et j’y prenais un étrange intérêt. Aussi éprouvai-je quelque déception quand M. Safrac, laissant tomber ses coudes sur la table, me dit :

— C’en est assez sur ce sujet. Peut-être lirez-vous un jour mon livre qui vous instruira sur ce