Page:Anatole France - Balthasar.djvu/92

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saient en ce moment devant elle, livides, inertes, leurs besaces vides jetées à leurs pieds. Elle pâlit et porta la main à son cœur. Incapable d’avancer ni de fuir, elle sentait ses jambes fléchir, lorsqu’une femme d’une beauté éclatante, se détachant du groupe des malheureux, s’avança vers elle.

— Ne crains rien, ô jeune femme, dit cette inconnue d’une voix grave et douce, ceux que tu vois ici ne sont point des hommes cruels. Ils apportent, non la fraude et l’injure, mais la vérité et l’amour. Nous venons de Judée, où le fils de Dieu est mort et ressuscité. Quand il fut remonté à la droite de son père, ceux qui croyaient en lui souffrirent de grands maux. Étienne fut lapidé par le peuple. Quant à nous, les prêtres nous mirent dans un navire sans voiles et sans gouvernail, et nous fûmes livrés aux flots de la mer afin d’y périr. Mais le Dieu qui nous aimait en sa vie mortelle nous conduisit heureusement au port de cette ville. Hélas ! les Massaliotes sont avares, idolâtres et cruels. Ils laissent mourir de faim et de froid les disciples de Jésus. Et si nous n’étions réfugiés dans ce temple, qu’ils tiennent pour un asile sacré, ils nous auraient déjà traînés dans de sombres pri -