Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/50

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bijoux et les clés. Je sais, à Bordeaux, un propriétaire à qui il a fait retrouver un locataire, et une dame à qui il a fait retrouver un attachement. Pour exploiter l’Affaire, ils lancèrent leur journal la Croix, rédigé dans le style du Père Duchesne, et qui portait pour vignette, au lieu du marchand de fourneaux, Jésus crucifié ; et ce symbole donnait, pour l’égarement des simples, l’onction d’un texte édifiant et la majesté des formes liturgiques à leurs sales injures et à leurs abominables calomnies. Bientôt des Croix parurent dans tous les départements, qui répandirent par les campagnes, avec l’image du Christ, le mensonge et l’outrage. De leur imprimerie, la « Maison de la Bonne Presse », sortaient une multitude de revues, d’almanachs, de brochures de propagande religieuse et politique. Ils abondèrent en œuvres, fondèrent des confréries pour favoriser les commerçants catholiques et ramener par la famine les petits boutiquiers à la piété ; ils fondèrent des associations de chevaliers qui prêtaient en leurs mains serment d’obéissance et recevaient un diplôme signé sur l’autel ; ils fondèrent l’œuvre électorale catholique qui, par la suite, prit le nom de Comité Justice-Egalité, et qui se donnait pour objet d’intervenir directement dans toutes les élections municipales, cantonales, législatives, présidentielles, et de triompher ainsi des mécréants comme les croisés du moyen âge triomphèrent des musulmans. « Ils avaient, dit M. Waldeck-Rousseau, pour tenir le compte courant des élections, une agence et un agent dans chaque