Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/52

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plots royalistes, y poursuivant moins la restauration impossible du prétendant que l’établissement d’une dictature militaire et l’organisation d’une force matérielle dont ils eussent été l’âme. Ils se mêlaient aux troubles de la rue, embauchaient des émeutiers. Il n’y avait pas de soir où dans Paris, sur les boulevards, des bandes de jeunes camelots n’allassent criant : « Vive l’armée ! », au profit de l’Église romaine.

Les élections se firent à peu près partout sur l’Affaire, dans un tumulte inouï de menaces et d’invectives, et, si le sang ne coula pas, c’est qu’il y a dans le caractère français un fonds de modération qui ne s’épuise pas vite. Les républicains en sortirent péniblement vainqueurs, après une lutte humiliante, sous un amas d’injures et de calomnies, ayant perdu plusieurs de leurs chefs et laissé en quelques endroits l’avantage à de violents adversaires.

Le péril éclatait. Les républicains du Parlement le virent, mais ils ne découvraient pas encore, ils ne voulaient pas découvrir la cause immédiate de leur faiblesse et de leur abaissement. Ils ne sentaient pas encore la vérité de cette forte parole qu’avait prononcée un des leurs, en renonçant à une candidature législative dont les conditions étaient le silence sur l’Affaire : « Un grand parti, comme le parti républicain, avait dit Maurice Lebon, ne peut impunément laisser violer les principes supérieurs du droit et de la justice, sans perdre ainsi toute raison