Page:Anatole France - L’Orme du mail.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

esprit mais la figuraient honnête, douce et bonne. Devant madame Delion et les autres femmes, elle admirait, approuvait et se taisait. Et si un homme ayant quelque esprit et quelque usage venait à lui adresser la parole en particulier, elle se faisait plus placide et plus modeste encore, et timide, les yeux baissés, brusquement, elle lui lançait quelque gaillardise dont il était chatouillé à l’improviste et qu’il tenait pour une faveur unique, venant d’une bouche si prudente et d’une âme si secrète. Elle prenait le cœur des vieux galants. Sans un geste, sans un mouvement, sans jouer de l’éventail, d’un clignement imperceptible des cils, d’un plissement rapide des lèvres, elle leur insinuait des idées qui les flattaient. Elle séduisit M. Mauricet lui-même, grand connaisseur pourtant, qui disait d’elle :

— Elle a toujours été laide, elle n’est plus jolie, mais c’est une femme !

M. Worms-Clavelin fut placé à table entre