Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/129

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un orchestre joyeux, dont les sons montaient confusément à mes oreilles. La nuit était chaude ; mes ailes commençaient à se lasser. Je descendis dans un de ces concerts et m’assis, invisible, parmi les auditeurs. À ce moment, une femme parut sur la scène, vêtue d’une robe courte et pailletée. Les reflets de la rampe et la peinture qui couvrait son visage n’y laissaient voir que le regard et le sourire. Son corps était souple et voluptueux. Elle chanta et dansa… Arcade, j’ai toujours aimé la musique et la danse ; mais la voix mordante et les mouvements insidieux de cette créature me jetèrent dans un trouble inconnu. Je pâlis, je rougis, mes yeux se voilèrent, ma langue sécha dans ma bouche ; je ne pouvais me mouvoir.

Et Théophile conta, en gémissant, comment, possédé du désir de cette femme, il ne remonta point au ciel ; mais, ayant pris la forme d’un homme, vécut de la vie terrestre, car il est écrit : « En ce temps-là, les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles. »

Ange tombé, ayant perdu son innocence avec la vue de Dieu, Théophile gardait du moins encore la simplicité de l’esprit. Vêtu de