Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/129

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parce qu’elle était naturelle. Aux yeux de Marc Ribert, mon parrain était un bourgeois. Un « bourgeois », c’était tout dire ! Pour se distinguer de cette caste infâme, Marc Ribert s’habillait d’une sorte de pourpoint de velours noir et de larges chausses d’une forme inusitée. Il portait une longue chevelure qui, rejetée en arrière, formait une pointe diabolique sur son front et il taillait sa barbe comme celle de Méphistophélès. Ainsi fait, il raillait amèrement mon parrain qui, court et ventru, vêtu d’une longue redingote, le nez chaussé de lunettes d’or ainsi que M. Joseph Prudhomme, s’ornait ainsi que lui d’un col dont les deux pointes lui montaient au-dessus des joues et d’une cravate de taffetas noir qui faisait trois fois le tour de son cou ; et, comme ses joues étaient du plus beau vermillon, Marc Ribert comparait le visage de mon parrain, dans son vaste faux col, à un bouquet de roses dans du papier blanc. Comparaison qui me frappait par son exactitude et qui, me revenant à l’esprit chaque fois que je voyais mon parrain, me donnait le fou rire.

Mon parrain, soupçonneux, haussait les épaules, m’appelait grand imbécile et me con-