Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/130

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seillait d’aller étudier mes leçons plutôt que de faire le dadais. M. Marc Ribert, au rebours, me dissuadait d’écouter mes professeurs.

— Ce sont des momies, me disait-il, des Fontanes.

Et, jouant sur les mots, très agréablement à mon sens :

— Fontanes ! ajoutait-il, Fontanes, faciunt asinos !

Maintes fois, j’ai entendu dans le petit salon paternel des disputes entre mon parrain et M. Ribert. Mon parrain y jouait au naturel le personnage de Jérôme Paturot. Je n’étais pas capable de suivre ces disputes et encore moins de juger les raisons apportées de part et d’autre, si tant est qu’on apportât des raisons. Je n’étais qu’un petit sot ; aussi étais-je très tranchant. Je donnais toujours tort à mon parrain. Le fait est qu’il n’employait pas des termes éblouissants comme son adversaire. Celui-ci vous jetait pêle-mêle hauberts, écharpes, cimiers, géants, dragons, écuyers, nains, châtelaines, pages, chapelles, ermites. À sa voix, au petit salon de Madame Nozière faisait place un monde enchanté, et dans cette féerie