Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/180

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rade que j’avais aimé passionnément pendant trois mois pour son élégance et avec qui je m’étais brouillé parce qu’il ne m’avait pas pris dans son camp, un jour qu’il jouait au ballon. Sa chambre, au second étage d’un vieil hôtel de la rue Saint-Dominique, était séparée de l’appartement de sa famille par un long corridor. Sauvigny, qui avait vu cette chambre, la disait superbe. Desrais, engagé à cette heure dans une partie de barres, semblait inabordable. Mais Sauvigny osa lui parler. Si Desrais était autant dire Saint-Cyrien, Sauvigny appartenait presque à l’équipage du borda. Les paroles qui s’échangèrent, en cette occasion, entre la jeune armée et la jeune marine n’ont pas été conservées. Mais Sauvigny, haut comme une botte et fier comme Artaban, vint nous annoncer que Desrais se fichait de l’Académie Blaise Pascal, mais prêterait volontiers sa chambre aux académiciens. Dès que cette réponse nous fut connue, Sauvigny fut chargé d’exprimer à Desrais les remerciements de l’académie. Je refusai d’y joindre les miens ; je ne pardonnais pas à Desrais de l’avoir trop aimé. J’eus le mauvais goût de demander qu’il fût tenu en dehors de notre académie. Mes