Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/186

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Desrais, tranquille et calme, décrocha des fleurets et demanda qui voulait faire un assaut avec lui.

— Moi, cria Chazal.

N’ayant jamais tenu un fleuret, il attaqua avec furie en poussant des hurlements et toucha rudement Desrais qui l’appela brute, sauvage, animal féroce. Mais ce garçon lui plaisait. Il le défia de soulever une chaise, à bras tendus, par le haut du dossier et de la maintenir horizontale pendant une minute. Chazal tint le pari et le gagna. Desrais en conçut de l’estime pour lui. Ils aimaient tous deux à montrer leur force.

— Luttons, dit Desrais.

— Je veux bien, répondit Chazal.

Ils se mirent tous deux nus jusqu’à la ceinture et se prirent à bras le corps. Chazal, osseux et noir, taillé à la serpe, présentait un contraste parfait avec Desrais, fait comme un athlète de Myrrhon, ou comme un fellow de Cambridge ou d’Eton. Celui-ci, toujours de sang-froid, gardait une correction parfaite, tandis que le bon Chazal, ignorant des usages, se livrant sans défiance aux ruses de l’adversaire, portait en toute innocence des coups qui n’étaient pas permis.