Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/229

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— Ces paroles me furent amères, ajouta M. Dubois, et pourtant, tu le vois, mon ami, moi-même, soit parcimonie, soit piété filiale, soit pure négligence, j’ai gardé ces meubles de mon aïeule, et l’on me dit qu’au point de vue de l’économie domestique, je n’ai point eu tort, et que, même, j’ai fait une bonne affaire, que ces meubles naguère si décriés ont repris faveur et se payent aujourd’hui un assez grand prix.

Tandis qu’il parlait, mes regards restaient attachés à une petite toile, pendue dans la ruelle. J’avais vu, jusque-là, des vieillards du Guide et des Carrache, des martyrs de Ribera, un terrible Éliézer entouré de chameaux étranges de Battoni, un Christ au Tombeau de Mantegna d’une perfection impitoyable. J’avoue que la vue en était dure pour mon âge. Ce que je découvrais dans cette ruelle ne m’en parut que plus aimable. C’était une tête charmante, d’un bel ovale, avec des cheveux d’un blond doré, des yeux de violette, un regard ému, des épaules jeunes et charmantes.

— Qu’elle est belle ! m’écriai-je.

— Tu ne la connais pas ?… C’est la Psyché de Gérard. Le tableau fut exposé au Salon de