Page:Anatole France - La Vie en fleur.djvu/228

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ameublement me parurent admirables. Je ne sais si la beauté de l’hôtesse, dont les cheveux blonds et les bras de marbre étaient vraiment magnifiques, accrut mon admiration pour les murailles sur lesquelles elle promenait ses regards, pour les sièges sur lesquels elle reposait son corps de déesse ; mais je sortis de l’hôtel de Noailles fou d’enthousiasme. Et quand, de retour à la maison, je revis les commodes à gros ventre, les fauteuils à pieds tordus, les tapisseries avec leurs bergères et leurs moutons, je pleurai presque de dépit et de honte, et m’efforçai de démontrer à mon père que ces vieilleries étaient ridicules, et que jamais les Chinois, eux-mêmes, n’avaient rien produit de si absurde et de si grotesque. Mon père en convint : « Je sais bien, me dit-il, qu’on fait mieux à présent et que le goût est meilleur. Si l’on veut me changer mes antiquailles contre un mobilier dessiné par Messieurs Percier et Fontaine, j’y consentirai volontiers ; mais, comme personne ne sera assez fou pour faire le troc, je me contente des meubles dont mes parents se sont contentés, n’étant ni assez jeune, ni assez riche pour me meubler à la mode. »